Histoire de la protection de la nature et de l’environnement
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Les quarante premières années du ministère de l’environnement : le regard subjectif d’un témoin direct

Il se trouve que fin 1971 – c’est à dire il y a presque exactement quarante ans aujourd’hui – j’ai eu la chance de pouvoir rentrer dans ce qui était, depuis quelques mois à peine, le nouveau ministère délégué auprès du premier ministre chargé de l’Environnement et de la Protection de la Nature. Je terminais alors un mémoire de troisième cycle sur « les stratégies de l’industrie automobile face à la pollution de l’air » et, grâce à Jacques Belle, directeur de cabinet du ministre Robert Poujade, j’ai eu l’opportunité de faire la seconde partie de mon service militaire auprès de ce cabinet, ce qui m’a permis, d’abord, de travailler avec Jean Martin Foltz, le futur PDG de Peugeot, sur le coût social de la pollution automobile ; puis d’assister en juin 1972, grâce à Serge Antoine, à la partie « off » de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement de Stockholm, un événement inoubliable.

Ce qui ne devait, à l’origine, qu’être une expérience parmi d’autres, s’est transformé - après une bourse obtenue pour les Etats-Unis - par un poste définitif au début 1973. Or voilà que quatre décennies après, au moment de partir en retraite, j’occupe à nouveau une fonction au sein de ce même ministère (1) - ce qui, de fait, me place en position de témoin privilégié des quarante premières années d’existence de cette administration, de son enfance, de son adolescence, et d’une bonne partie de sa vie d’adulte…C’est, à ma connaissance, une situation unique. Et j’ai donc pensé, pour accompagner en douceur mon départ, qu’il pouvait être intéressant de faire partager la vision, naturellement très subjective, que j’ai de ces quarante ans. Mon intention n’est ni de faire une conférence scientifique, ni de raconter des anecdotes personnelles, mais plutôt de présenter, dans l’ordre chronologique, une série volontairement impressionniste de tableaux, une pièce en plusieurs actes s’articulant autour d’événements ou « d’atmosphères » mêlant vécus individuels et symboles. Je me limiterai à une pièce en sept actes, tous très courts - pour m’en tenir à un « exposé apéritif » et surtout ne pas laisser penser qu’il puisse s’agir d’une véritable histoire.

Par un hasard du calendrier, 2011 se situe à la fois quarante ans après la création du ministère de l’environnement, mais aussi pratiquement à égale distance de 2050 l’horizon habituel des travaux actuels de prospective. Compte tenu de mes fonctions dans ce domaine je ne pouvais pas terminer ce regard sur le passé sans dire quelques mots sur ce nouveau « presque demi-siècle » qui s’annonce… Le septième tableau sera donc consacré - à titre de pure récréation - à la présentation en vrac de quelques esquisses de scénarios pour les futurs ministères de « l’Écologie ».

Donc sept actes, sept tableaux, les six premiers sur la période 1971-2011, le septième sur les années 2011-2051… En toute subjectivité… et en m’excusant, par avance, pour de nombreux oublis et inexactitudes…

Premier tableau : une géographie (la fondation - 1971-1974)

Lorsque j’arrive, fin 1971, au ministère de l’Environnement, celui-ci vient d’être mis en place il y a à peine dix mois (février 1971). Je pourrais, pour commencer, évoquer la genèse difficile, l’ambiguïté et la fragilité de cette création (2). Mais je n’en ai - à cette époque - aucune conscience. Ce qui me frappe plutôt, à ce moment-là, c’est une géographie… et plus précisément la cartographie des implantations de ce jeune ministère encore limité à la capitale.

Comme vous allez le constater, c’est une géographie très significative, à cheval sur la Seine, avec deux pôles disposés tout à fait symétriquement. Ceux-là même dont on peut mesurer, encore aujourd’hui la coupure, directions sectorielles d’un côté, structures horizontales, comme l’actuel commissariat au Développement Durable, de l’autre…

Au centre donc, d’abord, le cabinet, installé dans un lieu qui a provoqué beaucoup de polémiques en 2010, le ministère de la Marine - sur la place de la Concorde. C’est un lieu très prestigieux mais manifestement provisoire, car tout le cabinet doit se partager, avec un système de paravents, un même espace restreint – qu’on appelle « le salon de l’Amiral ». C’est un peu le syndrome de l’aristocratie désargentée : les couverts sont en vermeil, mais les assiettes sont vides… Georges Pompidou n’a d’ailleurs laissé au ministre qui vient d’arriver, Robert Poujade, guère d’illusion : « Vous n’aurez ni beaucoup de moyens, ni d’action directe sur les choses. Vous formerez des hommes, créerez un état d’esprit… Ce ministère c’est un peu un ministère fait pour un homme ; et donc, comme vous le savez, à la merci des remaniements… ». L’image du paravent est assez parlante : on est encore, et pour longtemps, dans le « politico dégradable ».

A proximité, sur la rive gauche, se trouvent les maigres services « opérationnels ». D’abord, avenue Lowendal, près des Invalides, la direction de l’Environnement et de la Protection de la Nature, pour l’essentiel arrachée au ministère de l’Agriculture (qui l’avait créée en 1970), qui occupe des locaux prêtés par l’Inventaire Forestier National. Quelques dizaines de personnes qui peinent à s’installer dans un immeuble assez vétuste. Et puis, toujours sur la rive gauche, à quelques centaines de mètres de là, rue de Bourgogne, ce qui est alors l’inspection des établissements classés, confiée deux ans avant au corps des mines : des escaliers tortueux remplis de piles de dossiers poussiéreux qui s’écroulent…

De l’autre côté de la Seine, sur la rive droite, de manière exactement symétrique par rapport à la rue de Bourgogne, se trouvent, boulevard Haussmann, le Secrétariat général du Haut Comité de l’Environnement (SGHCE), dirigé par Serge Antoine, et le Service des Problèmes et Politiques de l’Eau (SPPE), l’héritage légué par la DATAR, la partie « administration de mission » du nouveau ministère.

En tout et pour tout - avec le service de l’information - environ 200 personnes… qui forment le minuscule embryon des futures directions de l’Eau, de la Protection de la Nature, ou des Pollutions et des Risques… mais aussi ce que seront quarante ans après le Commissariat au Développement Durable, le Conseil général de l’Ecologie, le Secrétariat Général, ou la direction générale de l’Aménagement… sans oublier la multiplicité des agences et des services extérieurs qui leur sont aujourd’hui rattachés.

Comment faire coexister la rive gauche et la rive droite, de « déjà vieilles » administrations sectorielles et régaliennes, en parties issues de services délaissés par leur ministère d’origine, et la partie la plus moderne de l’État gaulliste, inspirée par « la nouvelle société », prônée par le Premier ministre, Jacques Chaban-Delmas qui va chercher ses idées aux Etats-Unis, à Founex (3), à Stockholm et s’implique activement dans le débat sur le rapport du Club de Rome et sur la croissance ? Cela n’est pas évident. Mais pour l’heure, en 1971-1972, la priorité est ailleurs, car ce qui manque à la géographie précédente, c’est tout le reste, le « déjà là » dans lequel le ministère doit trouver sa place, les autres administrations centrales encore massivement concentrées dans le 7ème arrondissement ; les syndicats professionnels et représentants de l’industrie situés plutôt dans les 8ème et 16ème et, à un moindre degré, les associations de défense de la nature, des sites ou des paysages localisées plus à l’est, les syndicats ou les réseaux d’élus… Plus que des questions de structures internes, c’est en effet surtout ces problèmes de « relations aux autres » qui - comme en témoigne Robert Poujade dans Le Ministère de l’impossible, occupent alors une bonne partie de l’énergie ministérielle. Ce sont, à la fois, des stratégies « d’enrôlement », « d’arrachement », « de grappillage » ; et le souci de s’intégrer le plus rapidement possible au « paysage » existant, de se faire accepter, de ne pas effrayer, qui sont à l’œuvre.

Après coup, il faut bien constater que ce déploiement d’énergie est alors paradoxalement plus productif du côté des industriels que de celui de l’administration. C’est la conséquence - du côté du secteur privé - de beaucoup de souplesse, d’une politique contractuelle généreuse (les « contrats de branche »), et d’un quasi-monopole d’expertise joué - efficacement - par des structures interprofessionnelles, comme le Centre Interprofessionnel Technique d’Etude de la Pollution Atmosphérique (CITEPA). Pourtant - du côté public - c’est une des rares périodes où le ministère, avec son statut de « délégué auprès du Premier ministre », dispose d’outils interministériels réellement appréciables, comme le Fonds Interministériel pour l’Aménagement de la Nature et de l’Environnement (FIANE) », et surtout le « miraculeux » « article 6 » du décret d’attribution du « ministère Poujade » du 2 février 1971. Il contraint les autres administrations à individualiser ce qu’elles font en matière d’environnement, et donne, de fait, au ministère un droit de regard sur une part de leur budget. Mais cela manifestement ne suffit pas : il est entendu que la nouvelle structure doit savoir rester à la place qui lui semble assignée, celle de « valoriser les délaissés » et « de protéger les petits oiseaux » (4).

De mon côté je fais partie de la minuscule (trois personnes) « mission économie et prospective » placée auprès de Serge Antoine, au SGHCE qui, chose extraordinaire dans l’administration, est dirigée par un diplômé de Harvard (5). Le rapport du Club de Rome vient d’être publié : la sensibilisation n’est donc plus à faire. Nous commençons ainsi à investir - en liaison avec le « Groupe Gruson » (6) - sur la comptabilité de l’environnement, l’éco développement ou la démocratie technique mais aussi sur des objets plus concrets comme le véhicule électrique, la lutte contre le gaspillage, les circuits courts ou les inégalités écologiques... Autant de sujets qui occupent encore aujourd’hui l’actualité, quarante ans après…

Deuxième tableau : un quiz (les hésitations giscardiennes - 1974-1981)

Nous arrivons ainsi en 1974, à l’arrivée au pouvoir de Valery Giscard d’Estaing. Au moment - aussi - où l’écologie politique apparaît pour la première fois dans le paysage français (avec la candidature de René Dumont aux élections présidentielles) ; et où commence la crise économique… et énergétique - dont personne n’aurait pu alors imaginer qu’elle puisse être encore présente quatre décennies après…

Pour commencer ce second tableau, je partirai, cette fois ci, non pas de la géographie mais d’une question générale ; une des questions que l’on pourrait trouver dans un « Trivial Poursuit » de l’environnement pour spécialiste : pourriez-vous citer, même dans le désordre, les ministres et secrétaires d’État qui ont été en charge de l’environnement pendant les sept ans de la présidence giscardienne ? Comme cela laisse beaucoup d’entre vous perplexes, je vais tout de suite vous donner la réponse : quatre secrétaires d’État - Paul Dijoud, Gabriel Perronet, Paul Granet , François Delmas – et cinq ministres - l’environnement étant successivement rattaché aux ministres de la Culture (Alain. Pierrefitte) puis de la Qualité de Vie (André Jarrot, André Fosset et Vincent Ansquer), avant d’être fusionné avec l’Équipement dans un immense « ministère de l’Environnement et du Cadre de Vie (sous la responsabilité, cette fois-ci, d’un proche du Président de la République, un moment ministre de la Culture et de l’Environnement, Michel d’Ornano).

A voir cette liste de ministres inconnus et de rattachements successifs hautement instables, on pourrait a priori penser que le nouveau président, élu après seize ans de pouvoir gaulliste, ne sait pas très bien quoi faire de cet « environnement » qui vient de naître. Il semble, en tout cas, convaincu que l’environnement ne se suffit pas à lui-même, qu’il ne peut être que la composante d’une préoccupation politique plus large : la culture, le cadre de vie, la qualité de vie… L’obsession du moment, ce sont les ravages liés aux « Trente glorieuses » finissantes (7), l’urbanisme des tours et des barres, « la France défigurée » et cela justifie - par l’intermédiaire de la protection des sites et des paysages - les associations les plus improbables avec le tourisme, les loisirs, l’urbanisme, ou même la jeunesse et les sports… La solution interministérielle est abandonnée et la perspective d’un ministère autonome s’éloigne…

Pourtant, c’est une période très active sur le plan législatif et institutionnel, avec les lois de 1975 sur les déchets, de 1976 sur la protection de la nature et sur les établissements classés, de 1977 sur le contrôle des produits chimiques, mais aussi la création de l’Agence Nationale pour la Récupération et l’Élimination des Déchets (ANRED), de l’Agence pour la qualité de l’air, du Conservatoire du littoral, du Plan Bleu méditerranéen (8), et, finalement, des DRAE (délégués régionaux à l’architecture et à l’environnement). C’est aussi, malgré le brouillage politique, une époque de forte communication présidentielle sur l’environnement, liée à un contexte inédit dans lequel le gouvernement n’a pas de majorité au parlement et où l’écologie – après le succès relatif de René Dumont, la création d’un parti et les conflits sur le nucléaire – est devenue un thème d’investissement utile. On entre dans une histoire où le faire savoir devient aussi important que le faire tout court – avec un risque, qui va s’accentuer, de politiques « virtuelles ». Je me souviens ainsi d’avoir été envoyé pendant près d’un mois aux États-Unis par le cabinet de M. d’Ornano pour convaincre tout un aréopage de personnalités américaines de participer, en 1979, à un symposium international sur l’environnement organisé par le Président de la République à l’UNESCO, sur les défis du XXIème siècle, manifestement à destination des médias…

On est, en effet, encore dans cette époque des commencements où les choses ne sont pas encore figées, et ces tâtonnements favorisent l’ouverture intellectuelle. Personnellement, je perçois cette période comme la plus créative de celles que j’ai pu connaître, avec un mélange improbable d’idées et de préoccupations liées à l’écologie politique, à la qualité de vie et à une vision qui reste alors systémique et très ouverte de l’environnement. Cela conduit à explorer tout un ensemble de voies nouvelles qui n’auront malheureusement pas toutes ensuite de prolongements réels : la planification écologique de Ian McHarg, la modélisation intégrée (9), l’écodéveloppement, la bioéconomie de Georgescu Roegen, les bilans matière énergie (Ayres et Da Silva), la gestion adaptative et la résilience de Holling, l’approche patrimoniale et de gestion en biens communs d’Henry Ollagnon, la comptabilité patrimoniale, les indicateurs de qualité de vie (10), les études d’impacts socio - écologiques… C’est ce contexte d’effervescence – auquel contribue le service des Études et du Plan dont je fais alors partie – qui amène la création, en 1975, du Groupe d’Exploration et de Recherches Multidisciplinaires sur l’Environnement (GERMES) qui jouera pendant vingt-cinq ans le rôle de principal « Think Tank » de l’environnement (11) – à un moment où le mot lui-même n’existe pas encore…

Tout cela - effervescence intellectuelle, forte productivité législative, renforcement institutionnel ; mais aussi instabilité ministérielle, perte d’autonomie du ministère, abus de communication - sans oublier les premiers gels budgétaires (avec, par exemples, un blocage du financement des agences de bassin et des pressions à la réduction des budgets des parcs nationaux) - dessine une image assez insaisissable de cette seconde période giscardienne. Mais, au-delà de cette comptabilité des avancées et des reculs, ce qui se joue plus fondamentalement durant ces sept ans, c’est aussi une certaine vision de l’environnement – avec une bifurcation qui se dessine vers une conception à l’anglaise, qui l’associe à la qualité de la vie quotidienne et surtout au cadre de vie. On sort des « Trente glorieuses », et faute de croissance à 4-5% comme dans les trente années précédentes, faute aussi d’argent à consacrer à l’environnement, ce qui est mis en avant, c’est l’idée de croissance qualitative, de qualité de la croissance et de qualité de l’aménagement. On ne parle pas encore d’emplois verts mais d’emplois qualitatifs ; plus de Fonds Interministériel pour l’Aménagement de la Nature et de l’Environnement (FIANE), mais un FIQV (pour la qualité de la vie). La qualité de vie est partout, avec un délégué interministériel qui, un moment, est presque un vice-ministre ; mais aussi le souci, pour la première fois, de changer les modes de gouvernement, de développer la participation et la transparence de l’action publique. Rien encore, cependant, de très concret à ce moment. Et le réalisme va conduire, en 1978, après un court intermède avec la culture, à passer de la « qualité de vie » au « cadre de vie » ; et, plus explicitement, à une première fusion (avant celle de 2007) entre « environnement » et « équipement » (et une partie de la culture).

Comme après 2007, il est difficile de savoir si - à travers cette fusion - l’objectif politique était de réduire, ou au contraire, d’élargir le poids de l’environnement dans l’appareil gouvernemental… et la politique d’aménagement. En 1980, M. d’Ornano, chargé de conduire la réforme, demande au professeur Lesourne de réfléchir à un nouveau cadre de fonctionnement à long terme pour le grand ministère en cours d’installation. S’appuyant sur le service de prospective qui vient d’être créé et sur une quinzaine de cadres parmi les plus dynamiques des trois administrations concernées (Environnement, Équipement, Culture), le « Groupe Lesourne » va proposer de véritables révolutions dans l’organisation territoriale, les priorités thématiques, l’ouverture à l’international et à la société civile, ou la structuration des corps de ce « futur » ministère (12)… Publié en avril 1981, le rapport sera mis dans un tiroir, seul subsiste de cette expérience un service de prospective qui - contre toute logique administrative - restera commun au ministère de l’Environnement et à celui de l’ Équipement… jusqu’en 1993…

Troisième tableau : une épreuve médiatique (« le ministère pauvre » de la première présidence Mitterrand – 1981- 1988)

En mai 1981 la gauche arrive en effet au pouvoir - pour la première fois depuis le début de la 5ème République en 1958. C’est un séisme politique - dans un contexte d’accélération de la crise économique et de contre choc pétrolier. Une coupure qui conduit aussi à se poser la question : y a-t-il une conception « de gauche » de la politique environnementale ?

Pour commencer ce troisième tableau j’aurais pu partir du Programme Commun ou du projet socialiste de 1980, ou remarquer qu’il faut attendre 1992 pour voir, pour la première fois, une personnalité socialiste – en l’occurrence Ségolène Royal – devenir ministre de l’Environnement ; et en conclure que ce thème de l’environnement n’est, à l’évidence, pas central pour la nouvelle majorité qui se met en place. Je pourrais aussi évoquer l’épisode « grandguignolesque » de l’entrée – sortie d’Alain Bombard, le premier Secrétaire d’État nommé en 1981, « débarqué » quelques jours après à cause d’une déclaration politiquement incorrecte sur la chasse à courre qu’il se proposait d’abolir (pour rappeler l’importance de la chasse et de la pêche dans les deux premières décennies de la vie du ministère).

Mais je crois que l’anecdote - pour moi - la plus significative de ce début des années 1980 est celle de la prise de fonction, en 1983, de la nouvelle secrétaire d’État à l’Environnement qui succède alors à Michel Crépeau, Huguette Bouchardeau, présidente du PSU (parti socialiste unifié). Contrairement au parti socialiste, le PSU a un programme établi depuis longtemps sur l’environnement. Beaucoup des idées écologiques en sont issues. Et parmi tous les ministre de l’environnement qui se sont succédés, Huguette Bouchardeau est sans doute celle qui a exprimé le plus clairement et profondément - avant même la sortie du rapport Brundtland - ce que pouvait signifier le développement durable – ses relations aux générations futures, à la sobriété, à une autre conception de la productivité et du travail… mais aussi au partage mondial des ressources, à une gestion décentralisée des biens communs, à la modernisation de la démocratie… (13). Mais quand elle monte sur les marches du perron pour prendre son poste de secrétaire d’État, elle n’est pas interrogée sur son programme, sur ses priorités politiques, mais sur les fûts issus de la catastrophe de Seveso qui se baladent à travers le France ; fûts sur lesquels, elle n’a, naturellement, pas encore d’informations à communiquer…

En fait, durant toutes les années 1980 le ministère de l’Environnement se transforme en « ministère de la gestion des risques » - dans un contexte marqué depuis la fin des années 1970 par la multiplication des catastrophes : Seveso, Amoco Cadix, Bhopal, Tchernobyl, Sandoz, Creys-Maleville, Exxon Valdez, Protex… C’est l’entrée dans la « civilisation » ou « la société du risque » (P. Lagadec – 1981, U. Beck -1987) et la « société vulnérable » (J.L. Fabiani, J. Theys -1987). Dans une situation de plus en plus contrainte par la crise et le chômage, la priorité des priorités, c’est d’éviter les catastrophes et - au moins - de bien gérer les crises. Vont ainsi se succéder durant cette période toute une série de textes ou dispositifs institutionnels, depuis la création en 1981 du Commissariat aux risques majeurs (confié à Haroun Tazieff) , jusqu’à la transformation du ministère en « ministère de l’Environnement et des Risques Majeurs », en passant par l’intégration dans le droit français de la directive Seveso et les lois de 1982, 1983 et 1987 - qui vont organiser l’indemnisation des victimes, la mise en place des plans d’exposition aux risques, la lutte contre la pollution des hydrocarbures, le fonctionnement de la Sécurité civile, etc.

Les autres pans de la politique environnementale (protection de la nature, lutte contre les pollutions…) ne sont pas pour autant abandonnés. Mais dans ces domaines, l’image qui domine a posteriori, c’est celle d’une administration sur la défensive et qui doit s’adapter à une série d’évolutions qui lui sont imposées. Entre 1980 et 1988 (période du gouvernement Chirac incluse), le budget du ministère est diminué d’un tiers, alors qu’il augmente globalement de 80% dans l’ensemble des autres domaines. Je me souviens ainsi d’un article étonnant d’Huguette Bouchardeau en première page du Monde qui, s’inspirant de J. Grotowski, théoricien d’un « théâtre pauvre », essayait de mettre en avant les avantages et les ressources « d’un ministère pauvre ». Je ne connais pas d’autre exemple de ministre qui ait fait la même chose… A ces restrictions financières viennent s’ajouter d’autres difficultés qui restreignent encore un peu plus les marges de manœuvre : licenciements économiques massifs dans l’industrie et pressions des industriels – comme Peugeot – pour relâcher les contraintes environnementales ; affaire du Rainbow Warrior - qui ne facilite naturellement pas l’activisme français sur la scène internationale ; lois de décentralisation qui remettent en question le modèle traditionnellement centralisé d’intervention en matière d’environnement ; ou encore affaiblissement des mobilisations associatives… Il n’est pas étonnant que dans un tel contexte Huguette Bouchardeau – au cabinet de laquelle j’appartiens alors – décide d’organiser un grand colloque sur L’environnement face à la crise (14). Après les hésitations giscardiennes, c’est encore le constat d’une grande fragilité de l’action publique en matière d’environnement qui doit être fait.

L’intelligence de cette période, c’est d’avoir - dans une certaine mesure - réussi à s’appuyer sur ces faiblesses et ce changement de contexte pour amorcer des transformations en profondeur dans la gouvernance de l’environnement. C’est la loi sur les enquêtes publiques de 1983 - qui ouvre, modestement, la voie d’une participation réelle du public aux grands projets d’aménagement. C’est le « compromis de Luxembourg » sur la voiture propre - qui permet de surmonter le blocage des industriels français à la normalisation européenne. C’est l’ensemble des lois littoral ou montagne et des plans d’environnement urbain – qui amorce un nouvel équilibre entre responsabilité des collectivités locales et protection nationale du patrimoine. Ce sont les emplois d’utilité collective ou les aides aux éco industries – qui s’attachent à convaincre que l’environnement peut contribuer à la sortie de crise. Si la pauvreté des moyens publics – et l’arrivée en 1986 au gouvernement d’une majorité de droite - ne permettent pas d’aller très loin dans une politique de réduction des inégalités écologiques (15), c’est une action publique beaucoup plus ouverte que dans les périodes précédentes qui prend forme…

Comme la présidence Giscard d’Estaing, cette première présidence Mitterrand se caractérise donc, finalement, par une extrême ambiguïté. D’un côté, le manque d’engagement politique, les restrictions budgétaires, le repli sur la défensive, de l’autre, des évolutions qui anticipent le changement radical de paysage des deux périodes suivantes. Rétrospectivement, les années 1980 apparaissent, en effet, comme des années de transition qui préparent les basculements majeurs des années 1990. Avec l’acte unique européen en 1985, puis la publication du rapport Brundtland et le protocole de Montréal sur la couche d’ozone en 1987 ; avec aussi la Perestroika en URSS (qui annonce la chute du Mur de Berlin) on est déjà dans une nouvelle époque, et dans une nouvelle « génération » des politiques de l’environnement (16), que vont rendre possible – outre ce changement de contexte international – l’embellie économique de la fin des années 1980, le succès des Verts aux élections, et l’arrivée en 1988 – après la réélection de F. Mitterrand – d’un des rares premiers ministres sensibles à l’écologie, Michel Rocard… et, avec lui du premier écologiste secrétaire d’État à l’environnement, Brice Lalonde…

Quatrième tableau : une grande conférence (le tournant du gouvernement Rocard - Lalonde – 1988- 1992)

Comme le Grenelle de l’environnement, les quatre années d’exercice des responsabilités de Brice Lalonde – un record pour un ministre de l’Environnement – marquent un tournant dans l’histoire du ministère. On quitte le temps des fondations et des incertitudes pour entrer dans une époque de maturité – pendant laquelle la présence dans l’appareil gouvernemental du thème de l’environnement ne sera plus discutée. Mais surtout, c’est le passage à une seconde génération de politiques dans laquelle l’État va devoir de plus en plus composer avec d’autres acteurs majeurs : l’Europe, les organisations internationales, les collectivités locales - qui viennent s’ajouter à l’intervention désormais plus structurée des entreprises, de la communauté scientifique et de la société civile. Une rupture qui concerne tous les pays européens.

Pour symboliser ce tournant et cette quatrième étape je vais, cette fois ci, prendre l’exemple d’une grande conférence. D’habitude, pour une grande conférence, on observe, dans le meilleur des cas, un ministre qui fait l’ouverture et un autre la conclusion, avec toujours beaucoup d’incertitudes sur leur présence réelle. Ce jour-là, nous sommes en 1991, ce ne sont pas deux, ni trois, ni quatre ministres qui défilent mais plus d’une dizaine - dont le chef du gouvernement, celui de l’Intérieur et celui des Finances - qui interviennent longuement pour dire ce qu’ils font ou ont l’intention de faire en matière d’environnement. De manière un peu prétentieuse le colloque est intitulé : « L’écologie au pouvoir ».

Pour apprécier le changement que cet événement représente, on a l’avantage de pouvoir se référer à une recherche très intéressante faite trois ans auparavant, pour le groupe de prospective, par deux chercheurs de l’EHESS, Denise Jodelet et Carole Scipion qui donnait une photographie inédite, et jamais refaite ultérieurement, des représentations de l’environnement dans la haute fonction publique. L’environnement y était considéré comme un ministère « secondaire », « peu sérieux ou crédible », « irréaliste », « idéaliste », « naïf », « vétilleux », « pinailleur », « empêcheur de tourner en rond », « absent », « à la fois trop réglementaire et laxiste », « économiquement dépendant »,… et pour beaucoup d’autres administrations « finalement inutile », sauf à l’international et pour l’anticipation à long terme.

Détonnant dans un tel contexte, le colloque L’écologie au pouvoir n’est lui-même que le prolongement du Plan national pour l’environnement (PNE) publié près d’un an auparavant, puis discuté au Parlement et dans les régions. « Plan Vert » dont Jean Paul Huchon, directeur de cabinet de Michel Rocard, écrit dans « Jours tranquilles à Matignon » qu’il parut alors comme « une provocation », « une grenade dégoupillée déposée aux pieds du gouvernement » (17). Aprement discuté, mais finalement adopté, ce plan propose, en effet, de sortir la politique de l’environnement de son adolescence avec une mise à l’échelle des moyens (doublement du budget…), le passage à une administration de plein exercice disposant enfin de son autonomie, la création de nouvelles structures : directions régionales de l’environnement (DIREN), agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), Institut Français de l’Environnement (IFEN), Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) et la publication d’un véritable code de l’environnement. Il préconise surtout « un changement de méthode » avec, notamment, de nouveaux objectifs, le recours à des incitations économiques, l’ouverture à la société civile, la responsabilisation des entreprises (écolabels, éco emballage…), l’implication des collectivités locales et, finalement, un engagement beaucoup plus résolu à l’échelle européenne et internationale, confirmant le tournant pris au cours des années précédentes (18). L’aggiornamento suggéré touche ainsi tous les domaines de la politique de l’environnement, le seul tabou subsistant étant la création d’un corps spécifique au ministère…

Ayant beaucoup contribué, sous la direction de Lucien Chabason, à la réalisation de ce plan - comme membre du cabinet de Brice Lalonde - je me suis, naturellement, attaché à en suivre - de près ou de loin - la mise en œuvre concrète, supposée s’étendre sur toutes les années 1990. Le paradoxe de ce document c’est qu’il arrive – comme toute la vague des « plans verts » publiés à la même époque dans le monde – dans une période qui, en même temps, constitue « le chant du cygne de la planification ». Son sort dépend donc, en large partie, de la bonne volonté des gouvernements successifs. Une difficulté supplémentaire vient de ce qu’il y a dans ce Plan National pour l’Environnement, trois directions qui sont en réalité contradictoires. D’un côté la volonté de créer, enfin, une administration sectorielle « normale », recentrée sur son cœur traditionnel, son « cœur de métier », avec, en particulier, une forte implantation territoriale ; de l’autre, la tentation d’aller plutôt vers un modèle d’administration à la scandinave avec de grandes agences et, surtout, le choix de séparer action et évaluation (c’est le risque pris avec la création de l’IFEN. Et enfin, l’option d’une gouvernance plus ouverte, accordant une large place à la société civile, au partenariat public-privé, aux acteurs décentralisés… dans une perspective d’action publique concertée à plusieurs niveaux.

Au moins, dans un premier temps, les choses vont aller, cependant, beaucoup plus vite dans la première voie avec, pendant la période de responsabilité de Brice Lalonde, la mise en place de toutes les propositions institutionnelles ; puis, sous celle de Ségolène Royal (1992-1993), l’adoption de plusieurs lois : sur l’eau, les déchets, les paysages, assez largement préparées dans le cadre de ce plan. C’est, en revanche avec beaucoup plus de prudence que les gouvernements de cette première partie des années 1990, y compris celui de Michel Rocard, vont s’engager dans les deux autres directions avec, d’ailleurs, pas mal d’échecs dont on peut se demander s’ils n’étaient - ou pas - volontaires. J’ai en mémoire la décision qui a été prise en 1992 de confier à Bertrand Collomb, président de Lafarge Coppée, le soin d’évaluer – comme président de la Commission environnement-croissance du XIème Plan – l’opportunité et la faisabilité d’une taxe « carbone ». Naturellement, la réponse était, sur ce point, connue d’avance. On aura perdu ainsi quinze ans avant la tentative suivante, également avortée… Et jamais l’IFEN, qui visait à créer une structure d’évaluation et d’information autonome du ministère – comme cela se passait aux Pays Bas, en Allemagne, aux Etats-Unis ou dans les pays Scandinaves – ne recevra les moyens d’un développement normal… avant sa suppression en 2005…

Mais cela nous amène déjà à la période suivante…

Cinquième tableau : réunion dans une DIREN (un ministère de plein exercice entre « gouvernement » et « gouvernance » - de 1992 à 2007)

Nous voilà donc au cinquième acte qui commence à la veille de la conférence de Rio, en avril 1992 - au moment où Ségolène Royal remplace Brice Lalonde – et couvre une période de plus de quinze ans, jusqu’en 2007, fin du second septennat de Jacques Chirac. C’est celle d’un ministère de l’Environnement enfin installé qui, malgré une association de près de cinq ans avec l’aménagement du territoire, ne va plus changer fondamentalement de structure. C’est aussi le moment où l’on passe de l’environnement à l’écologie et au développement durable. D’une certaine manière on sort de l’histoire pour entrer dans un monde beaucoup plus familier – avec des ministres dont beaucoup restent des personnalités connues – Michel Barnier, Corinne Lepage, Dominique Voynet, Yves Cochet, Roselyne Bachelot… ou moins, comme Serge Lepeltier et Nelly Olin.

Pour illustrer cette longue période, j’ai choisi d’évoquer une réunion dans une DIREN (direction régionale de l’environnement). Comme chacun sait la « vraie vie » d’un ministère se situe dans les services déconcentrés, sur le terrain, et puisque je n’ai pas eu la chance d’aller à Rio, j’ai pensé que cet exemple pouvait être particulièrement approprié pour caractériser toutes ces années 1990-2000. Mais il ne s’agit que d’un souvenir de visite… et je m’excuse à l’avance de ce qui n’est sans doute qu’une caricature…

L’histoire se passe donc à la fin des années 1990, dans une DIREN du sud de la France – et plus précisément dans un séminaire « stratégique » qui rassemble l’encadrement de cette direction et quelques experts extérieurs. Énormément de sujets sont abordés au cours des deux journées : les indicateurs de développement durable, les observatoires, les agendas 21, l’application de la directive « Habitat », les mesures compensatoires pour la biodiversité, le débat sur les infrastructures dans la vallée du Rhône et le littoral méditerranéen… et même les normes ISO 9000 ou 26000… Et j’en oublie certainement…Toutes les présentations sont faites sous forme de « Power Points » et ce qui me surprend dans leur contenu - outre leur caractère parfois assez ésotérique - c’est le fait qu’il n’y ait plus dans les interventions de place pour le doute. Les chefs de service, les chargés de mission, les experts, sont devenus catégoriques (19) - ce qui est un signe de professionnalisation et de maturité ; mais aussi, de mon point de vue, d’un profond appauvrissement par rapport à ce que j’ai connu dans les années 1970-198O. « principes de précaution, de prévention, d’intégration, de participation » ; « trois piliers du développement durable » ; « huit axes de Copenhague » ; « convention d’Arhus » ; « nouvelle gouvernance » ; « nouvelle approche en matière de normes » ; « directive cadre »… : le ministère s’est transformé en un magnifique livre de grammaire administrative - et si l’on croise ceci avec le « new public management » et la RGPP (Révision générale des politiques publiques)… en une magnifique machine à faire de la procédure et des « guidelines ».

Sans doute, est-ce la vision déformée de quelqu’un qui ne fait que passer et qui, surtout, est à ce moment précis extérieur au ministère - partagé entre la direction scientifique de l’IFEN à Orléans et celle du Centre de Prospective du ministère de l’Équipement à La Défense. Elle caricature à l’excès ce qui a été un des apports essentiels de cette période 1992 - 2007 qui est d’être enfin parvenue à asseoir la légitimité des politiques de l’environnement sur des principes et des cadres d’action clairs, permettant d’intégrer cette préoccupation dans toute la société française. On peut penser à la loi « Barnier » de 1995 sur le renforcement de la protection de l’environnement ou à l’adossement de la Charte de l’environnement à la Constitution en 2005, mais aussi, par exemple, à la succession de textes qui ont conduit à faire du développement durable une composante « normale » des politiques locales, depuis la loi sur l’air de Corinne Lepage, jusqu’à la loi « Voynet » sur l’aménagement durable du territoire.

Mais cette image caricaturale de deux jours - par ailleurs agréables - passés dans une DIREN traduit aussi la difficulté, pour le ministère de l’Environnement, du milieu des années 1990 au milieu des années 2000, à gérer une contradiction majeure : c’est au moment où il est devenu – enfin - une administration « normale », avec un champ d’action sectoriel bien délimité et une présence sur tout le territoire - au moment où il peut enfin exercer correctement ses fonctions régaliennes - qu’il se trouve confronté à la décentralisation, à la normalisation européenne, au poids des conventions internationales, au développement de nouvelles formes participatives de « gouvernance », à la contractualisation… et, en interne, à la concurrence des nouvelles agences ou instances consultatives. Tous ces défis simultanés placent le ministère au cœur de la modernisation de l’État. Mais c’est au moment où il devrait pour cela s’ouvrir et fonctionner comme une « administration de mission » qu’il a l’opportunité et la tentation légitime de se replier derrière des murailles enfin solides et de s’enfermer sur lui-même. L’abus de procédure n’est, d’une certaine manière, qu’une façon de faire face à cette contradiction entre fermeture et ouverture, « gouvernement » et « gouvernance » (20). C’est aussi, il faut l’ajouter, le moyen le plus simple et le moins coûteux de gérer une problématique de l’environnement qui s’est passablement compliquée et technicisée depuis la fin des années 1980… alors que les moyens financiers et humains sont restés, malgré le PNE, très contingentés (en 1998, à peine 0, 1% de la fonction publique d’État, agences comprises, est affecté à l’environnement, quatre fois moins qu’en Allemagne et quinze fois moins qu’au Danemark !) (21).

Au tournant des années 2000, une opportunité s’ouvre, à nouveau, avec un contexte économique plus favorable, l’entrée des Verts au gouvernement de Lionel Jospin et la fusion avec l’aménagement du territoire (avec Dominique Voynet, puis Yves Cochet comme ministres). C’est l’occasion pour le ministère de « sortir de son pré carré » et de se servir du levier de l’aménagement du territoire pour négocier et mettre en œuvre sur le terrain - comme le propose alors le « groupe des Quinze Vingt » (22) - un véritable « pacte gouvernemental pour le développement durable ». Mais la fusion ne prend pas - et on n’est plus dans une époque où l’État pouvait impulser d’en haut des politiques volontaristes d’aménagement du territoire. Le gouvernement, de son côté, n’est pas prêt à se lancer dans une stratégie globale de développement durable et préfère se limiter à des moyens budgétaires supplémentaires. Il faudra attendre le Grenelle de l’environnement pour franchir un nouveau seuil et expérimenter une autre façon de mieux intégrer l’environnement dans les autres politiques…

Sixième tableau : sur un site associatif (le grand ministère de l’Écologie et du Développement Durable – 2007- 2011)

Comme les tournants des années 1960-1970 et 1980-1990, le milieu des années 2000 marque un nouveau changement d’époque avec un troisième choc pétrolier et l’envolée du prix des matières premières… qui précédent, en 2008, une crise économique et financière sans équivalent depuis 1929. C’est aussi - à la veille de la conférence de Copenhague des inquiétudes beaucoup plus vives sur le climat ; et une situation géopolitique dont l’instabilité s’aggrave – basculement de l’économie vers l’Asie, affaiblissement de l’Europe, tensions sécuritaires… En France, c’est l’arrivée de Nicolas Sarkozy comme nouveau président qui, sous la pression de la société civile et notamment de Nicolas Hulot, crée un énorme ministère de l’Écologie et du Développement Durable qui fusionne ceux de l’Équipement et de l’Environnement, auxquels s’ajouteront plus tard quelques services de l’Industrie en charge de l’énergie. D’un seul coup, le ministère passe de quelques milliers de personnes à plus de cent mille et du 14ème rang gouvernemental au troisième ou second… Il sera appelé en interne, « le ministère du Grand Tout » ! Prenant acte de l’impossibilité de mener des politiques de développement durable à partir d’une base sectorielle trop restreinte, cette nouvelle configuration permet, immédiatement après, d’engager le « Grenelle de l’environnement ».

Poursuivant ma démarche de médiologie, je propose d’illustrer cette sixième (et pour moi dernière) étape par un site Internet, celui de France Nature Environnement, de 2007 à 2009. C’est le site le mieux informé sur le Grenelle de l’environnement et sur la réforme qui révolutionne en profondeur l’ensemble des structures fusionnées « au forceps » dans le grand ministère. Composition des groupes de travail, thèmes abordés, références utilisées, recommandations adoptées ou non reprises, réformes mises en œuvre, positions et réactions de l’association ou de l’ensemble du mouvement associatif, tout y est. Même pour ceux qui, comme moi, travaillent alors au sein de la délégation au Développement Durable, le service de stratégie et prospective du nouveau ministère - qui joue un rôle central dans le fonctionnement du « dispositif Grenelle » - c’est une source d’information irremplaçable.

Géré par ce qui constitue le cœur historique des associations de protection de la nature, le site révèle aussi les ambiguïtés de la réforme. Pourquoi le premier acte de ce nouveau ministère du Développement Durable a-t-il été de lancer un « Grenelle de l’Environnement » ? Où situer l’un par rapport à l’autre ? Le Grenelle doit-il être interprété comme le triomphe des idées écologiques ou, au contraire, comme la dissolution de la notion d’environnement dans le « magma » indéfinissable et contradictoire de « l’aménagement durable » - ou son recouvrement par les seules problématiques du climat et de la transition énergétique ? La concertation sans précédent mise en place à travers l’idée de « gouvernance à cinq » donne-t-elle – enfin à la société civile, l’opportunité de faire passer ses idées, ou n’est-elle qu’un « faux semblant », contrôlé en sous-main par la haute fonction publique ? La rupture annoncée par le Président de la République va-t-elle être, finalement, au rendez-vous ou en est-on encore très loin ? Les commentaires hésitent entre enthousiasme et désillusion.

Tout cela fait écho à de vives interrogations et troubles internes. En 1978, la création du ministère de l’Environnement et du Cadre de Vie, qui fusionnait déjà « Environnement » et « Équipement », n’avait fait qu’organiser la coexistence entre deux structures restées finalement assez séparées. Cette fois-ci, toutes les cartes sont rebattues, et il s’agit d’intégrer deux cultures (et plus tard trois si l’on ajoute l’énergie) qui sont profondément différentes. Que le Conseil Général des Ponts et Chaussées, qui a derrière lui deux cents ans d’histoire liée à l’équipement de la France, se transforme en « Conseil Général de l’Écologie et du Développement Durable », et qu’une de ses composantes joue le rôle « d’Autorité environnementale » a quelque chose à la fois de magique et d’inquiétant. Qu’une même direction générale rassemble les services chargés de la protection de la nature et de la biodiversité et ceux du logement et de l’aménagement concrétise à la fois tous les espoirs mis historiquement dans l’intégration de l’environnement et fait penser au « cadavre exquis ». À ceux qui se réjouissent de voir, enfin, se concrétiser - dans la nouvelle structure et le Grenelle - tous les espoirs mis depuis vingt ans dans le développement durable, d’autres n’y voient qu’une perte d’identité et le risque de voir celui-ci réduit « au plus petit dénominateur commun ». On est un peu dans la même situation que Pascal devant la révolution copernicienne : l’environnement est désormais un domaine d’action publique dont le centre est partout et la circonférence nulle part. Le trouble est profond et tout, d’une certaine matière, est suspendu à la possibilité de créer une nouvelle culture, un nouveau « cercle vertueux » à travers la réussite du Grenelle… Et très rapidement - après 2008 - à celle de faire de l’écologie (ou de la transition énergétique) un facteur de sortie de crise…

Ce n’est pas un hasard si j’ai cité le site de France Nature Environnement. C’est d’abord une façon de rappeler le rôle essentiel qu’ont toujours joué les associations, et en particulier FNE, dans la politique et même la pratique quotidienne du ministère. C’est aussi une façon d’évoquer les bouleversements liés à la généralisation d’Internet et des technologies de l’information, même si l’administration, et c’est un euphémisme, n’est pas particulièrement en pointe dans ce domaine… C’est enfin le moyen détourné de constater, qu’avec le Grenelle de l’environnement, l’administration n’est plus au centre de la politique publique, ni même de l’expertise. Pour caricaturer, je dirais que le ministère (que je distingue ici du ministre) est devenu plutôt une agence de mobilisation des moyens qu’un véritable lieu de formulation et d’invention de politiques nouvelles. Une « ADEME II » paradoxalement plus faible que la première, malgré la fusion, car écartelée entre des missions innombrables et en grande partie contradictoires et qui abandonne progressivement ses moyens propres de recherche, d’expertise ou de prospective (23). On peut dire que c’est aussi un retour du politique et l’opportunité, peut-être ouverte à la société civile, de prendre directement en main la conduite de l’action publique en matière d’environnement. Mais cela pose, finalement, une question existentielle, qui participe aussi au malaise que l’on ressent au sein de l’institution que je quitte aujourd’hui : au début de cette seconde décennie du XXIème siècle, dans laquelle les États ont perdu leur centralité, et dans laquelle le lien entre politique et administration se défait, quelle doit être la vocation majeure d’un ministère et de ceux qui y travaillent, au service d’une démocratie écologique ?

Le bon côté de l’histoire, c’est qu’à la fin de ces quarante ans - que je viens de parcourir - l’avenir reste très ouvert : J’en arrive donc naturellement au septième tableau, celui consacré à la prospective…

Septième tableau : quelques scénarios pour conclure…

Le hasard fait que 2011 se situe exactement à mi-distance entre la création du ministère et 2050 ; et naturellement, compte tenu des fonctions qui furent longtemps les miennes, je ne pouvais pas terminer cette histoire sans faire un peu de prospective.

A un moment, je me suis demandé s’il fallait vous proposer de la vraie prospective sérieuse. Et puis, en lisant récemment un numéro du Comité d’histoire du MEDDAT – qui réintégrait ce que je viens d’évoquer dans l’histoire beaucoup plus longue du ministère de l’Équipement et invitait donc au relativisme je me suis dit qu’il était bon, parfois, de ne pas trop se prendre au sérieux. Je vais donc rapidement terminer par six courtes fantaisies imaginaires de ce que pourrait devenir le « ministère de l’Environnement » d’ici 2050… Il s’agira successivement des scénarios POTEMKINE, BOREAL, CNR, MINERVE, ZANZIBAR et NEPHILE…

POTEMKINE

Il ne s’agit pas, dans ce premier scénario, d’évoquer le cuirassé Potemkine, mais plutôt les « villages Potemkine » - du nom de ces décors en carton-pâte que le favori de Catherine II faisait déplacer lors des voyages de l’impératrice pour lui cacher la misère des campagnes russes. Le ministère du Développement Durable, qui a éventuellement absorbé celui de l’Agriculture, est une immense galaxie de bureaux, d’agences, de directions régionales… mais une galaxie en trompe l’œil où des services exsangues - qui ne font que se côtoyer, se limitent à distribuer des labels, concevoir des brochures, lancer des appels d’offre, faire circuler l’information… C’est « l’administration des apparences », dans le prolongement à la fois de l’inflation institutionnelle récente et des purges budgétaires, sous la bannière d’un développement durable réduit au plus petit commun dénominateur…

BOREAL

Étant à moitié finlandais, je me dis qu’il n’est pas impossible qu’à l’horizon 2050 beaucoup de pays européens, dont la France, se seront ralliés à l’efficacité de la gouvernance à la scandinave, d’où l’intitulé de ce second « scénario ». C’est un peu le symétrique du précédent qui suppose une forte décentralisation, un dynamisme important de la société civile et une administration simplifiée, s’appuyant sur des agences techniques ou d’expertises internationalement reconnues, et des structures indépendantes d’évaluation. À la place du ministère de l’Écologie et du Développement Durable, existent deux ou trois petits ministères de cinq cents personnes recentrées sur des fonctions stratégiques et de régulation mais aussi sur des thèmes précis (« Environnement, nature et alimentation », « Énergie et climat », « Territoires et mobilité »), coiffant chacun une ou deux très grandes agences techniques ou scientifiques. L’information et l’évaluation sont gérées en bien commun par des institutions indépendantes dans lesquelles la société civile est représentée. L’administration déconcentrée de l’État est fusionnée avec celle des collectivités locales dans des structures territoriales elles-mêmes fortement simplifiées. L’ensemble est sous un contrôle attentif du Parlement.

CNR

Le titre du troisième scénario – CNR – fait référence au Conseil national de la résistance créé après la seconde guerre mondiale et à son programme qui a jeté les grandes lignes de l’état providence en France et lancé la planification. Le contexte est celui dans lequel la transition écologique et énergétique est devenue, pour différentes raisons, un impératif politique majeur. Un Commissariat général à la transition et au développement durable remplace le Conseil d’analyse stratégique et la DATAR, sans que cela exclue l’existence parallèle de ministères sectoriels de l’environnement, de ou des transports. Il prépare les décisions d’un conseil interministériel aux compétences très larges et s’appuie sur un mode de fonctionnement proche des anciennes commissions du Plan ou de la « gouvernance à cinq » initiée pendant le Grenelle. Il dispose également d’un fonds important pour financer l’innovation à la fois sociale et technique en faveur d’un nouveau modèle de développement en prenant en compte les contraintes de temps. Comme le propose Dominique Bourg, le Conseil économique et social ou le Sénat sont transformés en « Assemblée du futur » (avec forte participation de la société civile), tandis qu’une des commissions du Parlement est consacrée à la transition. Des structures comparables se mettent en place dans les régions.

MINERVE

Tout le contenu de ce quatrième scénario est dans son titre : « ministère de l’Innovation, de l’Économie Verte et de l’Énergie ». Après avoir hésité entre son versant industriel et une vision plus socio - écologique, la politique de l’environnement bascule définitivement vers sa composante économique, dans une perspective qui n’est pas seulement de compétitivité sur les marchés internationaux mais aussi d’attractivité territoriale et d’efficacité énergétique ou en consommation de ressources. Les techniques intelligentes, les instruments économiques, l’économie de la fonctionnalité, l’économie circulaire, les stratégies normatives… sont mis au service d’un développement économiquement durable et de l’emploi.

ZANZIBAR

Zanzibar n’est pas seulement le nom d’une île de l’océan indien mais le titre du roman de science-fiction de John Brenner « Tous à Zanzibar », et c’est à ce roman que se réfère le cinquième scénario. Ecrit en 1968, l’ouvrage présente une version très noire de ce que sera le monde en 2010 : lutte pour la vie liée à la surpopulation, violences urbaines quotidiennes, villes se protégeant de la pollution sous des dômes, migrations massives, contrôle du monde par des multinationales géantes et des machines plus intelligentes que l’homme… Ce qui relie cette vision au cinquième scénario, c’est l’obsession de la sécurité, du mondial au local. Le ministère est intégré dans une grande structure nationale ou européenne chargée de la Sécurité et de la gestion des crises, liée ou pas aux administrations de l’Intérieur et de la Défense. L’État lui-même se recentre sur ses fonctions régaliennes. Toutes les technologies de l’information sont mobilisées pour suivre en temps réel la situation de l’environnement et faire des prévisions ; les mécanismes d’assurance sont profondément réformés, tandis que les territoires, comme la société civile, sont incités à s’organiser pour se prémunir des risques et développer leur résilience…

NEPHILES

Je n’aurais pas pu terminer cette série de portraits possibles du futur ministère de l’Environnement sans emprunter une image à la nature. Et je propose donc un sixième et dernier scénario intitulé « NEPHILES », du nom de cette espèce d’araignées qui tisse des toiles géantes, dont certains essayent de faire de la soie. Cette toile d’araignée géante évoque aussi, naturellement, celle d’Internet et de la société en réseaux dans laquelle nous vivons désormais, mais aussi l’idée d’une « société organique » dans laquelle les hiérarchies verticales cèdent le pas aux relations horizontales. Dans le sixième scénario, le ministère de l’Environnement a disparu. Il est remplacé par une gestion en biens communs des différentes ressources de l’environnement par un ensemble d’acteurs publics, privés, territoriaux, associatifs, citoyens… fonctionnant en réseaux. Des collectifs s’organisent aux échelles locale, européenne ou mondiale autour de plates-formes virtuelles, de projets ou de « maisons de l’environnement et des biens communs ». L’écologie et le développement durable sont intégrés dans les entreprises et les autres administrations nationales ou internationales. Ne reste à l’échelle nationale qu’une « Maison commune pour l’environnement », espèce de « portail » et de « couveuse », à mi-chemin entre le Secrétariat général du haut comité de l’environnement des années 1970, et une « alliance » multi acteurs… Une référence, pour terminer, à Serge Antoine (24). Mais ce n’est là, naturellement, qu’une invitation à proposer d’autres histoires possibles…

NOTES

1) Plus précisément, celle de responsable du service de prospective du ministère au sein de la délégation au Développement Durable. Pour un historique plus complet des différentes fonctions depuis les années 1970, voir l’ouvrage dirigé par R. Barré, T. Lavoux et V. Piveteau : « Un demi-siècle d’environnement entre science, politique et prospective (en l’honneur de J. Theys) ». Editions QUAE, 2015.

2) Les conditions de cette création du ministère de l’Environnement sont développées, notamment, dans l’ouvrage de Robert Poujade : « Le ministère de l’impossible » et dans la thèse de Florian Charvolin « L’invention de l’environnement en France », publiée sous une forme réduite en 2005 aux éditions La Découverte. Voir également le numéro spécial de la revue du Comité d’Histoire du ministère Pour Mémoire : « Les quarante ans du ministère de l’environnement », Printemps 2015.

3) Réuni à l’initiative du secrétaire général de la Conférence de Stockholm, Maurice Strong, à Founex, en Suisse au début de l’été 1971, le groupe de Founex – auquel participaient S. Antoine et I. Sachs – a jeté les bases de ce qu’on a appelé l’écodéveloppement puis le développement durable. Source : « Development and environment », Founex – 1971, Mouton, 1972.

4) Source : intervention de Michel Woimant, chargé de l’environnement au cabinet de G. Pompidou lors du colloque organisé par le Comité d’histoire et l’Association pour l’Histoire de la Protection de la Nature et de l’Environnement (AHPNE) sur les 40 ans du ministère (voir note 2).

5) Dont le nom était plus précisément Jean Pierre Mazery. Il est intéressant de noter que durant cette phase de démarrage de la politique de l’environnement, celle-ci a bénéficié du concours de nombreux diplômés revenant des Etats-Unis.

6) Créé en Septembre 1972 par R. Poujade, le Groupe d’évaluation de l’environnement, dirigé par C. Gruson, l’un des fondateurs de la comptabilité nationale, a lancé en France les premiers travaux sur l’économie, l’évaluation et la statistique de l’environnement et a publié des rapports importants sur le nucléaire ou la lutte contre le gaspillage. Jacques Attali y présida l’un des sous-groupes. Le premier Secrétaire Général en était J.P. Mazery, situé auprès de S. Antoine.

7) Voir l’ouvrage de C. Bonneuil, C. Plessis et S. Topçu : « Une autre histoire des Trente glorieuses », La Découverte, 2013.

8) Créé à l’initiative de Serge Antoine en 1978, le Plan Bleu Méditerranéen assure au sein du Programme d’action pour la Méditerranée mis en place par les Nations Unies (PNUE), les fonctions de prospective, stratégie et évaluation.

9) Les années 1970 ont été très actives en matière de modélisation de l’environnement avec, notamment, à l’échelle internationale, le modèle Meadows (« Halte à la croissance »), les travaux de l’IIASA et la modélisation intégrée des villes menée dans le cadre du programme MAB de l’Unesco, et en France de grands modèles sur la prospective des pollutions (SPIRE), la macroéconomie de l’environnement (CEPREMAP - POLLEN), ou les modèles régionaux intégrés.

10) Source : J.F. Bernard Bécharies et al. : « Vers des indicateurs de qualité de vie, la Méthode RESY », GERMES, ministère de l’Environnement, 1979.

11) Créée en 1975 l’association GERMES a rassemblé pendant 25 ans des chercheurs de toutes disciplines et des responsables publics, privés ou associatifs intéressés à réfléchir collectivement à toutes les dimensions scientifiques, politiques, sociales ou sociétales de l’environnement, publiant une vingtaine d’ouvrages (Les Cahiers du GERMES), et organisant à la fois des réunions mensuelles et de grands colloques, comme « l’Environnement au XXIème siècle », en 1997, à Fontevraud.

12) Source : J. Lesourne : Environnement et Cadre de vie. Pour une intégration des politiques dans un cadre national et international, rapport au ministre de l’Environnement et du Cadre de Vie, avril 1981.

13) Source : intervention d’Huguette Bouchardeau au colloque « Les politiques de l’environnement face à la crise », in : Les politiques de l’environnement face à la crise, Cahier du GERMES N°9, 1984.

14) Source citée note précédente.

15) Fortement investi par la recherche à partir du milieu de la première décennie des années 2000, le thème des inégalités écologiques avait déjà fait l’objet de plusieurs travaux internes au sein du ministère de l’Environnement dès les années 1970 et occupait également une place importante dans le colloque de 1983 sur les politiques de l’environnement face à la crise (référence note 13).

16) On peut distinguer, après 1971, trois grandes générations de politiques de l’environnement : de 1971 au tournant des années 1980-1990, des années 1990 à 2007 et après 2007. Sources : B. Barraqué et J. Theys : Les politiques de l’environnement, évaluation de la première génération 1970-1990, Editions Recherche, 1998 ; E. Lacroix et E. Zaccai : 40 ans de politique environnementale en France, Revue d’Administration publique, N° 134, 2010 ; et J. Theys : Environnement, d’un demi-siècle à l’autre, Revue Futuribles, N° 409, décembre 2015.

17) Source : Lucien Chabason et Jacques Theys : Plan National pour l’Environnement, rapport en vue du débat d’orientation, ministère de l’Environnement, juin 1990. Le livre de J.P. Huchon a été publié aux éditions Grasset en 1993.

18) Le réinvestissement de la France au niveau européen et international a été important à partir des années 1988-1989 avec, notamment, le colloque « Planète Terre » de l’Élysée, puis le sommet du G7 à la Grande Arche et la déclaration de la Haye sur le climat, puis le traité sur l’Antarctique, etc. Rappelons qu’en 1987 avait été publié le rapport Brundtland, sans beaucoup d’impact en France…

19) Référence au colloque Les experts sont formels également organisé par GERMES et le ministère.

20) Sur les ambiguïtés de la gouvernance voir : J. Theys : La gouvernance entre innovation et impuissance, le cas de l’environnement, in Revue Développement durable et territoires, 2004. ; ainsi que l’ouvrage déjà cité : Un demi-siècle d’environnement entre science, politique et prospective.

21) A la fin des années 1990, le ministère comprenait environ 3000 agents dont 65O à l’échelon central, un millier dans les agences et 1150 au niveau territorial.

22) Source : Groupe des « 15-20 » (sous la direction de V. Jacques Le Seigneur) : « L’an I du ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement, bilan et perspectives », juillet 1998.

23) A partir des années 2010 les programmes de recherche pilotés par le ministère ont vu leur financement fortement diminuer jusqu’à disparaître en 2015… et la prospective a vu ses moyens se réduire aussi considérablement.

24) Serge Antoine est considéré comme le maître d’œuvre principal de la création du ministère de l’environnement. Après son décès en 2006 une association a été créée pour perpétuer sa mémoire.


Par Jacques Theys
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