Histoire de la protection de la nature et de l’environnement
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Les pionniers de la protection de la nature en Italie

La protection de la nature et la culture de l’environnement ont acquis une grande popularité et une réelle importance politico-institutionnelle dans le monde entier, surtout depuis la seconde moitié des années soixante du siècle dernier, avec une nette accélération au début des années 70. Parallèlement à cette explosion d’intérêt, les recherches sur l’histoire de l’environnement et sur l’écologie ont finalement franchi la frontière des États-Unis, où elles étaient confinées durant de nombreuses années. Ce retard a contribué pendant un certain temps à laisser penser, en particulier en Europe, que la question environnementale, avant les années soixante, était un phénomène marginal et sans intérêt.

A l’inverse, au Royaume-Uni et aux États-Unis, il est devenu assez vite évident que les fondements des politiques modernes de défense de la nature et de l’environnement existaient déjà dans la seconde moitié du XIXe siècle et que la première moitié du XXe était riche en concepts théoriques, en mouvements et en avancées législatives. Pour donner quelques exemples significatifs, aux États-Unis dans les années cinquante, la personnalité de George Perkins Marsh, auteur en 1864 du fondamental « Man and nature », a fait l’objet d’un important renouveau, alors qu’au Royaume-Uni, l’écrivain John Ruskin et son œuvre n’avaient jamais été oubliés.

Concernant les autres pays européens, et quelques rares autres en dehors de l’Europe ainsi que le monde des organisations internationales, il a été nécessaire d’attendre les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix pour assister à un retour progressif de la mémoire sur la période 1880-1970.

En Italie, cette reprise a très timidement commencé au cours de la seconde moitié des années 80, mais elle a été bien plus riche et scientifiquement mature durant les quinze dernières années. Grâce à un grand nombre d’articles et de monographies, dont beaucoup ont été écrits par Pedrotti ou réalisées avec son aide et ses encouragements, cette période est maintenant bien documentée pour l’Italie, y compris sur les premières initiatives des sociétés scientifiques, la naissance et le développement d’un mouvement important en faveur de la protection de la nature à la fin du XIXe siècle, son évolution interne, sa participation aux initiatives européennes, les résultats importants obtenus par son action, en particulier dans le domaine de la protection du paysage (loi de 1922) et dans celui des aires protégées (également en 1922-23). Nous connaissons mieux le développement – certes balbutiant et vacillant mais toujours actif – des aires protégées italiennes, la relance difficile après la Seconde Guerre mondiale et la manière dont l’explosion écologiste italienne, dans les années soixante-dix, a trouvé ses racines dans un contexte historique de longue durée.

Franco Pedrotti a, pour des raisons diverses et de différentes manières, apporté une contribution essentielle à cette récupération de la mémoire. Son livre résume un travail historiographique commencé il y a quarante ans avec une importante collecte d’informations destinée à réparer un oubli injuste concernant des personnalités incontournables telles que Renzo Videsott. Mais c’est également une œuvre beaucoup plus importante que celles publiées antérieurement, car elle vise principalement à fournir et à vulgariser un outil indispensable pour les recherches futures.

Dans ce travail, Pedrotti a rassemblé dix-neuf biographies tirées d’enquêtes historiographiques récentes concernant les représentants considérés comme les plus importants du mouvement italien de la protection de la nature entre 1880 et 1970. Pour chacun, il a écrit une biographie très documentée faisant ressortir leur personnalité et mettant en exergue l’empreinte qu’ils ont laissée au travers de leur action. Le tout est accompagné d’une bibliographie complète et actualisée. En réalisant ce travail, Pedrotti n’a pas renoncé à prendre en compte son attachement personnel envers sa terre natale, le Trentin, où il fit ses premières expériences en tant que protecteur de la nature à la fin des années quarante. C’est pourquoi d’aucuns pourraient mettre en avant son manque d’objectivité à l’égard de personnalités comme Giovanni Pedrotti, Gian Giacomo Scotti Gallarati ou Guido Castelli. Mais la galerie de portraits présentée dans ce volume comprend en fait tous les plus importants protecteurs italiens des années 90 du XIXe siècle à la fin des années 50 du XXe siècle.

Le livre concerne les pionniers tels que l’abbé Pierre Chanoux, les chefs du courant « patrimonialista » du début du XXe siècle comme Luigi Parpagliolo, Erminio Sipari, Giovanni Pedrotti et Giovan Battista Miliani et les précurseurs de l’actuel courant « scientifique » Renato Pirotta, Oreste Mattirolo, Lino Vaccari et Renato Pampanini. Il inclut des personnalités qui ont traversé toute la période considérée comme Alessandro Ghigi et d’autres qui ont eu une importance beaucoup plus limitée dans l’espace et le temps comme Guido Castelli, Gian Giacomo Gallarati Scotti et Fausto Stefenelli. Une importance appropriée est donnée aux personnalités qui sont à l’oeuvre durant la période des « années grises » entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et le début des années 60, telles que les frères Paolo et Renzo Videsott et Umberto Zanotti Bianco. Ne sont pas non plus oubliées des personnalités isolées et relativement marginales comme Eva Mameli Calvino et Oscar De Beaux qui ont apporté une contribution particulièrement originale à la protection de la nature en Italie, en particulier à l’époque difficile des années 30. Figure également au panorama le portrait d’Antonio Cederna qui, au début des années 60, a su attirer l’attention sur le patrimoine historique et artistique du paysage et de la nature, ce qui en fait l’instigateur et le promoteur de tout premier plan du « printemps de l’écologie » en Italie.

Ces portraits biographiques sont courts et vivants, tout en étant très complets. Il est nécessaire d’ajouter que ce travail est en grande partie un témoignage personnel. Pedrotti a en effet rencontré personnellement - et dans certains cas de très près – les frères Videsott, Alessandro Ghigi, Fausto Stefenelli, Umberto Zanotti Bianco, Gian Giacomo Gallarati Scotti et Antonio Cederna. Il a été en correspondance avec Oscar De Beaux et en contact avec des parents et des personnes proches d’Erminio Sipari, Guido Castelli, Luigi Parpagliolo et Eva Mameli Calvino. Enfin, à des personnalités plus éloignées dans le temps comme les botanistes Mattirolo, Pirotta et Pampanini, le rattache une affinité scientifique qui traverse les générations et qui l’a conduit, à plusieurs reprises, à en valoriser la mémoire au cours de son mandat de président de la Société italienne de botanique.

Dans sa préface (ci-jointe), Pedrotti déclare ne pas avoir eu l’intention de faire un travail d’historien, mais plutôt de vouloir faire connaître au public spécialisé que sont les écologistes et au grand public, le monde des pionniers italiens de la protection de la nature dont on parle si peu de nos jours. Ce livre se veut donc être surtout un ouvrage de vulgarisation. En agissant ainsi Pedrotti rejoint non seulement la valorisation historiographique des principales figures de l’écologie (Marsh, Roosevelt, Muir) traditionnellement en usage aux États-Unis, mais aussi des initiatives récentes et innovantes comme le dictionnaire des acteurs de la protection de la nature que l’AHPNE a entrepris de réaliser.


Par Luigi Piccioni

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