Histoire de la protection de la nature et de l’environnement
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Protection de la nature et de l’environnement et christianisme

A la fin des années 1960 et au début des années 1970 s’est développée l’idée chez certains auteurs traitant de la « crise écologique » que celle-ci tirait son origine de la tradition judéo-chrétienne anthropocentrique au motif que dans le premier livre de la Bible, celui de la Genèse, l’homme aurait reçu du Créateur le pouvoir de « dominer » la Terre et de la « remplir ». Curieusement certains de ces auteurs se sont bien gardés de citer des passages ultérieurs de la Bible d’une tonalité bien différente. J-P. Ribaut, de Pax Christi France explique dans cet article dans quel contexte historique, où le sens des mots n’était pas le même que celui de notre époque, a été écrit le livre de la Genèse.

Après un survol de quelques siècles d’histoire du christianisme, où, à dire vrai , pas plus dans les églises chrétiennes que la société civile - hormis quelques voix bien isolées - l’on ne s’est guère préoccupé de « protection de la nature », l’auteur s’attache à notre époque en un plaidoyer, naturellement pro domo, à souligner l’implication actuelle des églises chrétiennes dans une sauvegarde de la Création qui ne s’inscrive pas dans sa « domination » mais beaucoup plus dans une « alliance ».

Et puis l’on ne peut oublier que dans la société civile scientiste du début du XX° siècle totalement étrangère au christianisme, la volonté de domination du vivant allait de soi. L’on ne peut oublier l’eugénisme (condamné par l’Eglise catholique) alors promu et communément enseigné dans les universités dont la finalité revendiquée était d’améliorer les plantes, les animaux et les races humaines avec, en ce qui concerne les humains des programmes de stérilisation forcée voire d’élimination (en Allemagne, après l’avènement du nazisme) d’individus présentés comme porteurs de tares préjudiciables à l’amélioration de races humaines. Mais, après tout, la promotion des organismes génétiquement modifiés n’est-elle pas qu’un avatar de l’eugénisme du siècle passé ?

Jean-pierre Raffin

Approche biblique

Aujourd’hui encore, dans de nombreux milieux, l’on pense que les chrétiens figurent parmi les premiers responsables de la destruction de notre planète. Pourquoi ? Tout simplement parce que la Bible présenterait l’Homme comme Maître et Seigneur de la Création, Création qui serait à sa disposition et dont il pourrait donc user et abuser !

C’est un fait que l’on trouve dans cet ouvrage de référence pour les chrétiens qu’est la Bible des passages étonnants et qui ont conduit à l’accusation susmentionnée. Je prendrai l’exemple suivant :
« Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre... » (Gn 1.28a). Quelles conclusions n’a-t-on pas tiré de ce passage ! Voilà pourquoi l’Église est contre la régulation des naissances...et je me souviendrai toujours de la réflexion que m’a jeté gentiment à la figure mon éminent professeur de zoologie quand j’étais à l’Université de Lausanne « Voilà, Ribaut, un bel encouragement au lapinisme ! ». Or, il faut savoir que ce passage de la Genèse a été écrit pendant l’exil du peuple juif à Babylone, au VIe siècle avant Jésus-Christ. Il est à nouveau hors de sa terre natale, asservi ; il est complètement découragé, prêt à renoncer à tout, mais le prophète intervient : « non, ne te décourage pas, réagis, ton Dieu ne t’a pas abandonné, ressaisis-toi ! Renonce à tes idoles et suis mes préceptes, retrouve une vie digne d’un bon croyant, va de l’avant et assure une descendance ! » Voilà qui donne à ces quelques mots une autre signification !

La suite de ce verset pose également problème : « …. dominez la (la terre). Soumettez les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et toute bête qui remue sur la terre » ( Gn 1.28.b) ou encore : « ...soyez la crainte et l’effroi de tous les animaux de la terre et de tous les oiseaux du ciel, comme tout ce dont la terre fourmille et de tous les poissons de la mer : ils sont livrés entre vos mains » (Gn 9.1-2). Voilà vraiment de quoi être convaincu que Dieu a livré la Création au bon plaisir de l’Homme qui peut l’asservir comme bon lui semble. Ici encore, nous devons avoir recours à l’exégèse, étudier la version originale de ces textes (l’araméen, le grec), et les placer dans leur contexte socio-historique. C’est ainsi que pour comprendre le sens à donner au mot dominer, il faut savoir que chez les juifs, le père (ou le grand-père !) dominait sa famille dans le sens qu’il assumait toutes les responsabilités liées à sa position : se préoccuper des malades, des vieux, des blessés ; arbitrer tel différent, bref, se préoccuper de toute sa famille dans un esprit de service. Quant au terme de « crainte », nous le trouvons très souvent dans l’Ancien Testament, tout particulièrement dans les Psaumes, où le fidèle est invité à craindre son Seigneur. Il convient chaque fois d’interpréter ce verbe dans le sens où le petit enfant craint son Papa : il l’aime son Papa, son Papa est le plus fort, le plus beau, mais en même temps il le craint, car son Papa le dépasse tellement, et il sait aussi qu’il peut se fâcher ! C’est dans ce sens que le juif et le chrétien sont invités à « craindre » Dieu. Aujourd’hui, l’on utiliserait bien entendu un autre mot, on parlerait plutôt d’admirer, mais les diverses versions de la Bible (Bible de Jérusalem, d’Osty, de Chouraqui, la TOB....) hésitent à modifier leur version originale !

Mais à côté de ces passages, pratiquement l’ensemble de l’Ancien et du Nouveau Testament incitent l’Homme à gérer la Création dans l’esprit d’un bon Père de famille. Les versets qui illustrent mon propos sont nombreux. Pour moi, le plus important est incontestablement le célèbre verset du livre de la Genèse, chapitre 2, verset 15 : « Dieu plaça l’Homme dans le Jardin d’Éden pour qu’il le garde et le cultive ». Ce verset est d’une densité très grande, puisqu’il résume les conclusions du rapport Brundtland !

En effet, quelles conclusions découlent du rapport fondamental de la Commission « Environnement et développement » présidée par l’ancienne ministre norvégienne de l’environnement Harlem Gro Brundtland ? Celles du développement durable ! C’est-à-dire que l’Homme peut utiliser les ressources naturelles et se développer à condition de ne pas compromettre la qualité de vie des générations futures. Que dit le verset 2.15 de la Genèse : que l’Homme doit préserver les potentialités de la Création (donc les garder) et les utiliser, les exploiter au mieux (les cultiver). Nous retrouvons donc les mêmes principes de gestion des ressources dans la Genèse et les conclusions du rapport Brundtland, qui a constitué l’ossature de Rio 1992. Belle anticipation biblique !

Parmi les autres passages instructifs, citons, toujours dans ce premier livre de la Bible, la Genèse, qui porte bien son nom, ce passage où se trouve fermement affirmée la volonté de Dieu de sauvegarder sa Création : s’adressant à Noé, qui va entrer dans l’Arche avec sa famille, il dit « de tout être vivant, de toute chair, tu introduiras un couple dans l’Arche pour les faire survivre avec toi, qu’il y ait un mâle et une femelle » (Gn 6.19)

Terminons cette très brève approche biblique par un passage prémonitoire de St Paul, qui, s’adressant à la Communauté chrétienne, dit : « la Création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu » (Rom.8.19) et trois versets plus loin « nous le savons en effet, toute la Création jusqu’à ce jour gémit en travail d’enfantement ». Pour les chrétiens, la Création ne saurait être considérée comme achevée, mais elle continue au contraire à évoluer, avec la responsabilité particulière de l’Homme.

Pas de doute possible : l’Homme doit bien être le lieutenant de la Création de Dieu.

Paroles et initiatives chrétiennes

Les Pères de l’Eglise ont incité leurs concitoyens, dans la droite ligne de l’Evangile, à lutter contre les injustices, promouvoir la paix et préserver le patrimoine naturel.

Si les responsables de l’Eglise ont continué, au cours des siècles, à reconnaître l’importance du Créé, ce n’est que très récemment – à l’exception de François d’Assise, au XIIème siècle – que les Eglises se préoccupent réellement de la protection de la nature.

J’aime citer les propos du Cardinal Villot, du 6 décembre 1971, alors secrétaire d’Etat du Vatican, s’adressant à l’Union des juristes catholiques d’Italie réunis en congrès pour parler de « l’Homme et son environnement » affirmant entre autres : « toute atteinte à la Création est un affront au Créateur ». Cette parole, pourtant très forte, passa complètement inaperçue.

En avance sur l’Eglise catholique et ses frères et soeurs d’Europe centrale et du Sud, les Eglises protestantes nordiques commencèrent à cette époque à se préoccuper très sérieusement et avec rigueur de la protection de l’environnement. C’est ainsi, par exemple, qu’en 1970, la Commission des affaires internationales du Conseil des relations étrangères de l’Eglise de Norvège a décidé d’associer à ses thèmes de préoccupation justice et paix, celui de la sauvegarde de la Création. Les Eglises de Suède et de Finlande prennent des initiatives semblables ; au Danemark est construite une église entièrement avec des déchets de matériaux de construction.

Les institutions politiques commencent aussi à se saisir de ces questions. C’est ainsi qu’en 1967 le Conseil de l’Europe publie la « Charte européenne de l’eau » et déclare l’année 1970, « Année européenne de la Nature » ; conséquence de cette initiative : le Conseil de l’Europe organise en 1973 sa première conférence ministérielle sur l’environnement à Vienne. Les Nations-Unies s’engagent également et organisent en 1972, à Stockholm, la première Conférence mondiale sur l’environnement : une seule terre.

On constate donc une accélération considérable des initiatives politiques.

L’Eglise protestante de France apporte également sa contribution, fidèle à sa sensibilité écologique. C’est ainsi que paraît en 1979, sous la direction du Professeur Gérard Siegwalt « Nature menacée et responsabilité chrétienne », fruit d’une équipe pluridisciplinaire de la Faculté de théologie protestante de l’Université de Strasbourg. Se référant entre autres à la conférence mondiale de Stockholm et à la publication du remarquable travail de l’équipe du Professeur Meadows « les limites de la croissance », le pasteur Otto Schaefer-Guignier, biologiste et théologien, publie en 1980 : et demain la terre … christianisme et écologie.

Dans ce concert d’initiatives, le Vatican fait également entendre sa voix : Paul VI adresse un message d’encouragement aux participants à la Conférence de Stockholm, affirmant, entre autres : « l’homme et son milieu sont plus que jamais inséparables : le milieu conditionne essentiellement la vie et le développement de l’homme ; celui-ci, à son tour, perfectionne et ennoblit son milieu par sa présence, son travail, sa contemplation. »

Jean-Paul II, en visite officielle au siège du Programme des Nations Unies pour l’environnement proclame : « Dieu est glorifié lorsque sa création est au service du développement intégral de l’Homme ». Benoît XVI reprendra très fréquemment cette expression de « développement intégral de l’Homme » signifiant par là que lorsque l’on parle du développement de l’être humain, il ne s’agit pas de se limiter aux aspects physiques, mais qu’il convient d’y associer les aspects spirituels et éthiques.

En 1987, s’adressant à l’Académie pontificale des sciences, le Pape déclarait : « Ce sujet (la protection de la nature) mérite une extrême attention et revêt véritablement une très haute importance au moment actuel de l’histoire et du développement de notre monde moderne … »

Trois ans plus tard, Jean-Paul II s’affirmait comme le véritable « Pape vert », en consacrant son traditionnel message du 1er janvier 1990 au thème : « La paix avec Dieu Créateur, la paix avec toute la Création ». Véritable mini-encyclique, ce texte remarquable à tous les points de vue, montre entre autres que la crise de l’environnement est aussi un problème moral qui implique essentiellement le respect de la vie et des équilibres naturels.

Jean-Paul II, comme présentement Benoît XVI, va accorder une place toute particulière à ces problèmes de protection de la nature, les associant presque toujours à des considérations sur le développement, voire la paix !

Relevons que le Vatican a joint l’acte à la parole, en recouvrant le toit de la grande salle St Paul de 6000 m² de panneaux solaires et en finançant, grâce à un don, le reboisement d’une importante forêt en Hongrie.

Et quid de l’Eglise orthodoxe ? A ma connaissance, la première prise de position en faveur de la protection de l’environnement remonte à fin 1988, lorsque, à la suite de son message de Noël sur la responsabilité envers la Création et notre devoir de préserver l’environnement, le Patriarche œcuménique Dimitrios 1er a proclamé le 1er septembre de chaque année – qui marque pour les orthodoxes le début de l’Année liturgique - « Fête de la Création ». D’autres initiatives ont été prises par la suite, le Patriarcat œcuménique se révélant très actif dans ce nouveau domaine d’activité. Des colloques œcuméniques sont périodiquement organisés, et le 10 juin 2002, le Patriarche Bartholomeos 1er a proclamé, conjointement avec le Pape Jean-Paul II, la fameuse « Déclaration de Venise », texte de 2 pages qui débouche sur 6 objectifs éthiques pour mieux gérer la Création.

Historique de l’action des chrétiens en France

Du 15 au 21 mai 1989, se déroula à Bâle, le Rassemblement œcuménique européen qui passa hélas presque inaperçu en France et dans les pays latins, alors qu’il connut un grand écho en Europe centrale et du Nord. Pour avoir eu le privilège de participer à sa préparation avec Mgr René Coste, puis avoir vécu l’évènement, je compare volontiers son importance pour l’œcuménisme en Europe, à ce que représente le Concile Vatican II pour l’Eglise catholique. C’est suite à une décision du Conseil œcuménique des Eglises, prise en 1983, d’inviter tous les chrétiens à un « engagement mutuel en faveur de la justice, la paix et la sauvegarde de la Création », que l’ensemble des Eglises d’Europe décidèrent de procéder à ce vaste aggiornamento à Bâle, en 1989. Rappelons que c’est suite à l’insistance des Eglises protestantes, que l’environnement fut intégré parmi les thèmes à étudier. Et c’est ainsi que se trouvaient officiellement réunis, pour la première fois depuis la Réforme, des délégués de toutes les Eglises du continent : anglicane, catholique, orthodoxe, protestantes et vieille-catholique. Objectif : analyser tous les grands problèmes de l’heure (dont l’environnement, donc grande première !), puis préconiser, dans l’esprit de l’Evangile, les solutions à appliquer. Programme ambitieux, qui déboucha sur de nombreuses recommandations d’actions. Signalons, parmi les nombreuses publications éditées suite à ce rassemblement, la belle et intéressante plaquette de Jean-Marc Prieur, pasteur de l’Eglise réformée de France, très engagé dans le dialogue œcuménique.

Suite à ce rassemblement, Pax Christi décida de créer, sur proposition de son président, Mgr René Coste et moi-même, une commission « Création et environnement ». Cette décision surprit, car Pax Christi fut créé, à l’issue de la guerre 1939-1945 pour encourager la réconciliation franco-allemande et ainsi contribuer à la paix. Nous référant à François d’Assise, nous nous sommes efforcés de montrer que la paix ne doit pas se limiter à des situations de non conflits armés ou violents, mais intégrer tous les aspects de la vie, donc aussi les relations avec la nature. En affirmant que « le nouveau nom de la paix est le développement », Paul VI avait déjà élargi le concept de la paix de manière significative.

L’élargissement des activités de Pax Christi illustre la volonté de l’Eglise catholique de ne pas vouloir vivre repliée sur elle-même, mais au contraire de se préoccuper des problèmes et espérances de ce monde, cela dans l’esprit de la Bonne Nouvelle, c’est-à-dire la solidarité ; rejoignant ainsi la doctrine sociale de l’Eglise, qui remonte à la fin du XIXe siècle, avec le pape Léon XIII. La protection de la nature devait et doit donc figurer parmi ses grandes préoccupations.

Il n’est pas possible d’énumérer dans cet article, les innombrables initiatives entreprises directement ou indirectement par les communautés chrétiennes et autres mouvements d’action catholique, pour préserver le capital Nature, à cette époque. Mentionnons à titre d’exemple, l’activité de mouvements tels que le CMR (Chrétiens en monde rural), le MRJC (Mouvement rural de la Jeunesse chrétienne), le CCFD (Mouvement catholique contre la faim et pour le développement), etc. Aujourd’hui même, le Secours catholique intègre cette dimension dans son programme. Mentionnons simplement deux actions qui me paraissent présenter un intérêt particulier :

  à l’automne 1991, suite à l’initiative prise par les Eglises chrétiennes de Kehl sur le Rhin
(Allemagne) pour s’opposer à l’implantation d’une usine d’incinération de déchets toxiques à proximité de cette ville que seul le Rhin sépare de Strasbourg, la Commission pastorale catholique et le Conseil protestant de la capitale alsacienne s’y sont associés et ont adopté, à l’unanimité, une Déclaration pour s’opposer à ce projet. Cette prise de position politique des Eglises connut un grand écho, entre autres au niveau politique, certains élus et autres responsables administratifs estimant que l’Eglise n’a pas à s’occuper de ces problèmes ; « qu’elle se charge des âmes ! » clamaient certains ! Des réactions semblables ont été observées plus récemment lorsque des mouvements chrétiens se sont engagés en faveur de la protection des rives du lac d’Annecy.

  le deuxième événement que je me dois de présenter concerne les « Symposiums de Klingenthal », en Alsace, projet qui mûrit pendant plusieurs années. Ces symposiums ont présenté une importance toute particulière du fait qu’il s’agissait d’une initiative non seulement œcuménique ou inter-religieuse, mais inter culturelle. Etaient en effet réunis, probablement pour la première fois dans l’histoire, des représentants des diverses confessions chrétiennes, du judaïsme, de l’islam, de la religion baha’ï, de l’hindouisme, du bouddhisme, du shintoïsme, des peuples premiers d’Australie, de Sibérie, du Canada, de l’Amazonie, sans oublier le matérialisme et le rationalisme ; même un franc-maçon était présent. But : comparer les approches socio-spirituelles des différentes spiritualités par rapport à la Nature.

Le premier de ces symposiums, fondamental (27-29 octobre 1995), déboucha sur « L’Appel de Klingenthal ». Je ne citerai ici qu’une de ses conclusions :
« ...la situation est aujourd’hui tellement sérieuse, que nous estimons devoir agir ensemble, unir nos efforts pour que nos différentes approches spirituelles et culturelles, loin de constituer des obstacles ou des freins à la coopération, soient des sources d’enrichissement ». Voilà qui pourrait s’appliquer à d’autres domaines que l’environnement !

Vu le succès remporté par cette première, quatre autres symposiums thématiques furent organisés par Pax Christi : eau ; sol, cultures et spiritualités ; l’arbre et la forêt, du symbolisme culturel à … l’agonie programmée ; l’animal et la faune, de la vache folle … aux espèces menacées.
Toutes les conclusions se trouvent sur le site de Pax Christi France.

Cette approche pluri-culturelle est-elle essentielle ? Je répondrai sans hésiter oui, elle me paraît même indispensable si l’on veut répondre aux grandes interrogations planétaires. Cela ne minimise évidemment pas les contributions sectorielles, surtout si elles sont pionnières, comme par exemple celle des Eglises protestantes d’Alsace et Lorraine, qui publièrent, en 1979 déjà, une belle brochure sur le thème « Nature menacée et responsabilité chrétienne ».

Action de l’Eglise aujourd’hui

Suite aux nombreuses initiatives prises par Pax Christi et les autres mouvements ou services d’Eglise, les évêques de France ont créé, au printemps 2002, un groupe de travail dénommé « Antenne environnement et modes de vie », destiné à être un outil au service de l’Eglise de France. Cette antenne pluridisciplinaire d’une dizaine de personnes comprend des théologiens, des écologistes, des ingénieurs, des spécialistes de la communication, des économistes et l’une de ses premières réalisations a été d’élaborer un véritable vade-mecum pour le chrétien intéressé par l’environnement, le livre : « Planète vie – Planète mort : l’heure des choix » préfacé par Mgr Marc Stenger, Président de Pax Christi et Président de l’Antenne. Toute une série de fiches vertes et bleues sont destinées à apporter des éclaircissements objectifs sur des problèmes tels que la biodiversité, les changements climatiques, les gaz de schiste, séismes, éruptions volcaniques et tsunamis … Préoccupée d’œuvrer œcuméniquement, elle a organisé, lors de l’Année de la diversité biologique, une Journée d’étude dans la Maison des évêques de France avec la participation de l’Eglise protestante.

L’Antenne a encouragé une action qui a véritablement pris une dimension nationale, je veux parler des campagnes Vivre autrement. Ces campagnes sont basées sur le simple fait que l’on se rend de plus en plus compte que si nous continuons à vivre comme nous le faisons maintenant en consommant sans mesure et en gaspillant, bref ; en nous comportant comme si toutes les ressources étaient illimitées, nous courrons à notre perte. Prendre des mesures ponctuelles est certes louable, mais c’est à une véritable conversion que le chrétien est appelé, où, dans chacun de ses actes, il doit se poser la question : quel impact sur les ressources ? Quel impact sur l’environnement ?

La première campagne, en 2007 : « vous qui goûtez Noël autrement » fut bien accueillie, quoique elle abordait un sujet sensible : celui des cadeaux, invitant à préférer la qualité à la quantité ! Aussi un grand quotidien nous a-t-il avertis qu’il se désolidarisait complètement de cette campagne qui prônait la réduction des achats et contribuait ainsi au chômage ! Ce qui est évidemment faux ! Heureusement que la grande majorité des personnes a applaudi à ce recentrage sur l’essentiel. Au vu de ce succès, les responsables organisèrent, six mois plus tard, la campagne « Vivre l’été autrement », puis en décembre 2008, à nouveau « Vivre Noël autrement », et ainsi de suite, s’efforçant chaque fois de mettre l’accent sur un nouvel aspect du comportement de l’homme à Noël ou en été, ce qui n’est pas facile. La grande originalité de ces campagnes c’est qu’elles sont aujourd’hui le fruit de la collaboration de 27 associations chrétiennes de toutes tendances, comprenant des catholiques, des protestants et des orthodoxes. Il y a là un bel exemple de coopération œcuménique.

Lors des rassemblements œcuméniques européens qui succédèrent à celui de Bâle, à savoir à Graz (Autriche) en 1997 et à Sibiu (Roumanie) en 2007, les participants proposèrent aux chrétiens de consacrer chaque année une journée ou une célébration à la Création, cela de préférence entre le 1er septembre, décrété Journée de la Création par le patriarche œcuménique de Constantinople Dimitrios 1er, et le 4 octobre, jour de la fête de François d’Assise, proclamé patron des écologistes par Jean-Paul II. Là encore, les diverses confessions chrétiennes coopèrent souvent. C’est le cas à Bordeaux, où une série de Forums œcuméniques sur la Création furent organisés à partir de 2003, cela par les Eglises adventiste, anglicane, baptiste, catholique, évangélique libre, orthodoxe et réformée. 150 à 200 chrétiens participèrent à chacune des réunions d’une journée.

Les Eglises et divers mouvements protestants se montrent également de plus en plus actifs, prenant de nombreuses et diverses initiatives, souvent à dimension œcuménique, grâce entre autres à l’action de Jean-Philippe Barde, spécialiste des questions d’environnement et de développement, auteur de nombreuses publications traitant souvent du rôle des chrétiens dans la crise écologique et mondiale actuelle.

En Alsace, s’est créé, sous l’impulsion dynamique du pasteur Alain Spéléo, un Groupe œcuménique régional Paix, Justice et Sauvegarde de la Création. Ce groupe, extrêmement actif, et bien soutenu par les évêques et les Présidents des Eglises protestantes d’Alsace-Moselle, a plusieurs belles réalisations exemplaires à son actif, comme une brochure ayant pour thème : célébrer la Création. Dans le cadre d’une journée sur le terrain consacrée à la biodiversité, le groupe a réussi à réunir, à l’issue d’une célébration œcuménique, chrétiens, écologistes, associations, agriculteurs et élus locaux pour discuter d’aménagement rural ! Belle performance ! Dans le cadre de la « fête sur le Rhin », les 27 et 28 septembre 2008, qui s’est déroulée dans le Jardin des 2 rives, entre Strasbourg et Kehl la célébration œcuménique était centrée sur le thème de l’eau, avec les enfants allant puiser symboliquement l’eau dans le Rhin tout proche. Témoin de la sensibilité alsacienne et protestante pour ces problèmes, la publication d’une plaquette en 1992 (!) consacrée à la gestion des terres d’Eglises !

Ce temps de la Création est vécu dans un nombre croissant de paroisses, de diocèses et contribue efficacement à sensibiliser les chrétiens à leurs obligations envers la Nature, cela en vertu de leur baptême, et cette motivation peut se révéler particulièrement efficace, lorsqu’elle a été bien comprise !

Conclusion

Le temps devrait être révolu où l’on considérait les chrétiens comme particulièrement responsables de la dégradation de nos ressources. Comme j’ai essayé de le montrer, une mauvaise interprétation de certains passages bibliques alliés à la conception d’un Homme maître de la Création, disposant des ressources naturelles selon son bon plaisir, en sont la principale cause.

Aujourd’hui, dans le monde chrétien, et à tous les niveaux, les voix se font de plus en plus nombreuses qui incitent les disciples du Christ à contribuer activement à une gestion rationnelle des ressources et à s’inspirer d’une « frugalité heureuse ».

Notre époque est caractérisée par la toute-puissance de l’argent, qui conditionne l’économie et réussit si souvent à paralyser l’action politique. Pour moi, la seule issue dans nos pays démocratiques réside dans l’action, non violente bien sûr, de la société civile. Elle seule réussira à obliger les responsables financiers et économiques à réduire leurs appétits et à tenir toujours davantage compte de l’Homme, cet homme qui doit être au centre des préoccupations du développement, et non les parachutes dorés ou les dividendes des actionnaires.

Dans une société civile qui se bat pour la justice et un partage équitable des richesses, les chrétiens ont à faire entendre leur voix, à être aux premières lignes pour la promotion de l’Homme et de la Nature. Cela n’est pas toujours facile, reconnaissons-le immédiatement. Mais c’est la seule solution. Dans les grands objectifs, la société civile ne peut être divisée.

C’est ainsi, et seulement ainsi, qu’associations de défense de la nature, consommateurs, syndicats, enseignants, chrétiens, écologistes et autres hommes de bonne volonté, réussiront à relever les grands défis qui se profilent à l’horizon.

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Par Jean-Pierre Ribaut
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